Paris, 9 septembre 2018
Hommage rendu à une exposition mythique des années 1930, dialogue élargi avec la création contemporaine et concentration unique d’œuvres extraeuropéennes sont au rendez-vous de la 17e édition du Parcours des mondes, l’un des plus grands et prestigieux salons dédiés aux arts premiers.
Sa réputation n’est plus à faire. Avec seize éditions au compteur, le Parcours des mondes est devenu le rendez-vous à ne pas manquer pour les marchands, les collectionneurs, les responsables de musée, mais aussi, tout simplement, les amateurs d’art tribal. Il faut dire que les organisateurs de l’événement parisien, Pierre Moos en tête, n’ont jamais lésiné sur la qualité, invitant les marchands parmi les meilleurs dans leurs disciplines respectives.
Parisiens, de province ou étrangers, ils sont précisément 64 à prendre quartier à Saint-Germain-des-Près pour ce nouveau millésime. De la rue des Beaux-Arts à la rue Mazarine, en passant par la rue Guénégaud, ils proposent les chefs d’œuvres d’Afrique et d’Océanie qu’ils ont patiemment recueillis – souvent les marchands soufflent avoir préparé leur stand pendant de longs mois, voire plusieurs années –, ou encore des pièces issues des arts précolombiens et asiatiques. Ce 17e cru qui déroule son programme du 11 au 16 septembre est également marqué par l’élargissement de son panorama à l’art contemporain et l’hommage rendu à la mythique exposition organisée en 1930 à la galerie du Théâtre Pigalle. Comme tous les ans, le salon vit aussi au rythme des expositions, des débats, et des signatures ; une manière d’offrir un spectacle total aux amateurs ainsi qu’aux curieux, chaque année de plus en plus nombreux à franchir les portes des galeries.
Du passé au futur
Événement majeur de cette nouvelle édition, l’hommage rendu à l’exposition de 1930 à la galerie Pigalle a tout pour attirer les foules. «Nous sommes enchantés de pouvoir réunir à l’Espace Tribal, une vingtaine de pièces mythiques ayant figuré dans cette exposition historique [qui comptait originellement un peu plus de 400 objets, NDLR] », souligne l’organisateur Pierre Moos, qui rappelle qu’« elle fut la première du genre en France en matière d’arts premiers africains et océaniens ». « À l’époque, poursuit-il, elle réunissait des pièces avant tout choisies sur des critères artistiques et esthétiques, et a joué par la suite un rôle très important dans le développement du goût pour l’art tribal. »
Conçu par deux jeunes acteurs du marché, Nicolas Rolland et Charles- Wesley Hourdé, en collaboration avec l’équipe de Tribal Art Magazine, l’accrochage a été rendu possible grâce aux prêts de collectionneurs privés parisiens et belges. À cette occasion, un livre – réalisé avec la complicité d’universitaires –, mais aussi des documents d’archives et des photographies de l’exposition qui, disons-le, choqua à l’époque la petite morale du Tout-Paris, sont également proposés au public. Un travail à la fois historiographique et immersif. L’événement est aussi au cœur de la programmation des traditionnelles séances matinales du Café Tribal et des débats en soirée qui font de l’Espace Tribal un lieu de réflexion sur des problématiques saillantes du secteur.
Autre direction forte de cette 17e édition, l’élan de jeunesse apporté par le « patronage » d’Adam Lindemann, auteur des best-sellers Collecting contemporary art (2006) et Collecting design (2010). Favorable à la création de «passerelles» entre l’art contemporain et les arts premiers, le Parcours des mondes avait toujours souhaité sa présence. Cette fois-ci il a accepté, un an après un premier dialogue avec l’art contemporain. En 2017, le galeriste berlinois Javier Peres avait réalisé l’exposition « Le lion et le joyau » à l’Espace Tribal en montrant des pièces d’art classique africain auprès d’artistes comme Melike Kara, Beth Letain ou Donna Huanca. Le directeur de la galerie new-yorkaise Venus Over Manhattan, qui vend les poids lourds du marché (Adel Abdessemed, Raymond Pettibon, Maurizio Cattelan...) vient à Paris endosser le costume de président d’honneur du salon. Il est d’ailleurs prévu qu’il en donne le coup d’envoi, à la faveur d’un dialogue avec Bernard de Grunne, le mardi 11 septembre à l’Espace Tribal.
Ainsi, le public va pouvoir faire plus ample connaissance avec ce collectionneur aguerri, pour qui « les arts premiers ont constitué la porte d’entrée vers la collection d’art au sens large ». « Il incarne cette nouvelle génération très argentée qui ouvre son champ de passion à l’art tribal après avoir beaucoup investi dans l’art contemporain », résume de son côté Pierre Moos, pour qui « le boulot ne consiste pas seulement à rassurer les gens sur la qualité des œuvres. Il faut aussi penser à l’avenir du Parcours des mondes. Or, la très grande majorité des collectionneurs a plus de 60 ans. Il est donc très important d’attirer la nouvelle génération. » Il y a peu, Adam Lindemann indiquait son sentiment à propos des arts anciens d’Afrique et d’Océanie. « Ils ont eu un impact majeur sur de nombreux artistes occidentaux durant la première moitié du XXe siècle (Picasso, Alexander Calder, André Breton, etc.) ». Pour lui, de par l’influence qu’ils ont jouée sur l’Histoire de l’art, les objets tribaux ne peuvent se réduire à de simples curiosités exotiques ou « des vestiges de l’époque coloniale ». Très respectueux du travail de conservation et de l’attention particulière que les collectionneurs ont prêtés à ces objets durant des décennies, Adam Lindemann fait partie de ceux qui pensent que les arts premiers manifestent dans des contextes contemporains une intensité émotionnelle rare, ce qu’il a lui-même expérimenté à plusieurs reprises. En particulier en 2016, en organisant l’exposition « Fétiche » dans sa galerie new-yorkaise, laquelle présentait des œuvres contemporaines aux côtés d’objets d’art tribal, les premières prenant « une dimension spectaculaire » en présence des seconds, selon ses propres mots.
Le monde d’hier à portée de mains
L’autre richesse du Parcours des mondes, c’est bien évidemment celle de ses exposants, dont la moitié débarque de l’étranger (Belgique, Italie, Maroc, Australie, États-Unis, etc.). Cette année, peu de poids lourds manquent à l’appel, hormis peut-être Didier Claes (Bruxelles), qui participait à de précédentes éditions, mais qui recentre actuellement sa stratégie – en ayant par exemple fait le choix de s’installer à Ixelles à Bruxelles, quittant le mythique quartier des Sablons.
Ainsi, parmi les expositions les plus attendues, citons « L’Asie des masques », qui révèle des masques classiques japonais, himalayens ou encore des exemplaires chinois du théâtre Nuo, à la galerie Alain Bovis (9 rue des Beaux-Arts). À quelques petits pas de là, il est question de représentation de l’être humain et de féminité à la galerie Dandrieu- Giovagnoni (8rue des Beaux-Arts). Cela, à travers une gamme de statues anciennes africaines, dont une statue ambete à la forme épurée, recouverte de pigments blancs et porteuse d’un reliquaire au dos. Un peu dans le même univers, mais rue Guénégaud, une sélection de masques himalayens de la collection Indian Heritage mérite le détour, d’autant qu’elle dialogue avec des estampes réalisées à partir de tirages photographiques au sténopé, par Sylvia Bataille. Au menu de la galerie Abla et Alain Lecomte (4 rue des Beaux-Arts), on a droit cette année à des objets traditionnels africains en lien avec la médecine et la magie. La statuaire dogon est quant à elle à l’honneur à la galerie Guilhem Montagut (6 rue Jacques-Callot).
Ailleurs, à la galerie Martin Doustar (4rue des Beaux-Arts), une exposition invite au voyage dans l’Extrême-Orient russe, à la faveur de « Siberia and beyond » et son remarquable ensemble d’objets réalisés en 5ivoire marin et en bronze, par les peuples indigènes de la Sibérie occidentale et des régions côtières de la mer de Bering. Il faudra également aller jeter un œil au 2 rue de l’Échaudé, à la galerie éphémère d’Olivier Larroque où cent sculptures ont été patiemment réunies comme une anthologie de l’art africain « à travers son expression la plus intime et raffinée. »
La galerie Dodier (35-37 rue de Seine) dévoilera « Paroles tribales », une exposition qui emmènera le public en Amérique, avec un chef-d’œuvre de l’art viru, en Océanie, un linteau de Nouvelle-Irlande, au pedigree remarquable et enfin, sur le continent africain, avec un masque gourounsi récolté in situ par la mission Kamer/Tishman.
À travers ces quelques exemples, le Parcours des mondes montre qu’il reste un événement de grande classe, à la fois exigeant et exotique. Un rendez-vous clairement incontournable de cette rentrée parisienne destiné à faire chavirer autant les amateurs d’art –en général– que finalement toutes celles et tous ceux qui ont soif d’ailleurs.
Jérémy André
Parcours des mondesDu mardi 11 au dimanche 16 septembre. Vernissage le mardi 11 septembre à 15h. Quartier Saint-Germain-des-Prés. Paris 6e. www.parcours-des-mondes.com