Vienne, 29 novembre 2018
Mardi 4 décembre aura lieu une remarquable vacation d’art tribal chez Dorotheum à Vienne. Pour marquer la fin de l’année, les enchères se dérouleront au rythme de la thématique des quatre éléments (Terre, Feu, Éther, Eau). Pas moins de 130 objets en provenance de plusieurs collections privées seront dispersés sous le regard des amateurs du monde entier. 85 d’entre eux sont issus du fonds Franco Monti, l’une des figures de l’histoire de l’art tribal au XXe siècle.
Né à Milan en 1931, Franco Monti s’engage dès les années 1950 dans la sculpture. Il développe un vocabulaire formel de lignes brutes et audacieuses en prenant pour support l’argile et la pierre. Le collectionnisme le rattrape vite, et il fréquente bientôt les cercles érudits de l’école française d’anthropologie. C’est dans ce cadre qu’il effectue ses premiers voyages en Afrique subsaharienne. Il y acquiert des trésors au contact des cultures locales. De retour en Europe, il organise des expositions d’art africain, notamment en Italie. Il côtoie les célèbres créateurs Giacometti, Marini, Fontana, Chirico, mais aussi des figures influentes du marché de l’art comme Peggy Guggenheim. À Paris, il travaille en collaboration avec Charles Ratton. En 1962, il devient membre correspondant du Syndicat Français des Experts Professionnels en œuvres d’art. Franco Monti écrit dans le Corriere della Sera et participe à de nombreuses expositions. En 1967, il organise la rétrospective de sa collection africaine à la Kunsthalle de Darmstadt. Il collabore aussi avec la Galleria Civica d’Arte Moderna de Turin (1971) et le Palazzo Reale de Milan (1979). « Ce qui est remarquable chez Franco Monti, c’est son sens de l’émerveillement, confie Joris Visser, expert en charge de la vente chez Dorotheum. Dans sa collection, la plupart des pièces représentent des figures humaines déclinées dans tous les genres possibles. » Celle-ci s’étend en effet du réalisme des masques Baule à l’abstraction pure des masques Bembe ou des objets Senufo. « Monti était un artiste et un collectionneur, mais il était aussi un courtier réputé auprès des plus grands amateurs européens. Surtout en Suisse et en Italie. »
L’héritage de Franco Monti sera dispersé parmi de remarquables pièces d’art tribal, dont une figure Songye Nkishi du XIXe siècle (estimation 220.000 à 240.000 €). Cette sculpture illustre le pouvoir magique attribué aux statues dans l’Afrique subsaharienne. Seuls les shamans ont le droit de les toucher, assurant ainsi le lien entre le monde des hommes et celui de l’au-delà. Cet exemplaire exceptionnellement conservé garde encore les traces de substances rituelles dont on imprégnait de tels objets. Il provient de la collection du marchand belge Joseph Christiaens. On compte au moins une autre œuvre du même maître dans la collection Havenon. Autre objet remarquable, un totem Haida de Colombie britannique datant du XIXe siècle (estimé 90.000 à 100.000 €). Il s’agit en fait moins d’un totem que d’un cimier mesurant presque deux mètres de haut. Jadis polychrome, celui-ci porte des signes gravés évoquant les lignages familiaux et leurs prérogatives, dans le même esprit que les objets d’apparat des noblesses d’Europe. On notera aussi la présence d’un masque Bedu Nafana de la région de Bondouko (Ghana) aux dimensions imposantes (plus de 2 mètres de haut). Celui-ci est extrait de la collection de Franco Monti, et figurait en couverture de l’exposition de 1967 à la Kunsthalle de Darmstadt. Directement lié aux rites des cycles lunaires, cet objet rare est estimé 40.000 à 50.000 €.
De nombreux lots originaux seront enfin proposés à des prix plus raisonnables. C’est le cas de la figure royale Ashanti du Ghana, toute en or sculpté (estimée 12.000 à 14.000 €) ou d’une importante tête Malangan du XIXe siècle (8.000 à 10.000 €). L’exposition publique des objets chez Dorotheum commence samedi 1er décembre à partir de 10h, jusqu’au début de la vacation mardi 4 décembre à 14h.