Paris 3 septembre 2019
Spécialisé dans l’art tribal d’Afrique et d’Océanie depuis plus de vingt ans, Adrian Schlag partage aujourd’hui sa vie entre Bruxelles, où il a ouvert une galerie à la fin des années 1990, rue des Minimes, et Ibiza, où il réside « en pleine nature » une partie de l’année, quand il ne visite pas ses clients aux quatre coins de l’Europe et aux États-Unis.
Après avoir participé, mi-juin, à la Bruneaf (Brussels Non European Art Fair), rendez-vous professionnel qu’il honore depuis 2004, ce grand marchand, membre de la Chambre royale des antiquaires de Belgique et de la Chambre belge des experts en œuvres d’art, sera à Paris, du 10 au 15 septembre, dans le cadre de la 18e édition de Parcours des mondes, autre événement incontournable pour les passionnés d’arts premiers.
Pièces archaïques de plus en plus rares
Dans le quartier des Beaux-Arts de Saint-Germain-des-Prés – sa galerie est accueillie à la Bouquinerie de l’Institut –, il doit notamment présenter, parmi une quinzaine de pièces africaines et océaniennes, une statuette en bois de 67 cm représentant une figure d’ancêtre de la tradition Sepik-Ramu (Papouasie-Nouvelle-Guinée), ayant fait partie de la collection de Gisela et Heinrich Wellmann, réunie à Brême entre 1923 et 1978. Utilisée pour le rituel du « yam », cette pièce est caractéristique de la signature Adrian Schlag, qui s’intéresse tout particulièrement aux figures et masques, fussent-ils à l’état de fragment, antérieurs aux contacts établis avec les premiers Européens. « Avec l’influence européenne, le style a nécessairement changé. On peut comparer cette évolution à celle d'un enfant, dont la capacité à créer et à représenter le monde se modifie en profondeur après son entrée à l’école, explique le marchand d’art. Ces pièces archaïques sont de plus en plus rares, mais on en trouve encore, d’autant que la tendance du marché est aujourd’hui aux signatures de maîtres, aux œuvres que l’on peut attribuer à telle ou telle école, tel ou tel atelier, au Congo ou en Côte d’Ivoire... Ce goût général, que l’on peut mesurer dans les ventes, n’est pas exactement le mien et, avec un peu de chance, j’arrive à trouver des pièces qui me correspondent et correspondent à ce que recherchent mes clients, à des prix qui ne sont pas trop élevés. »
Rencontre avec Helmut Zake
Originaire de Wurtzbourg, en Bavière, Adrian Schlag intègre, à la fin des années 1980, après des études d’économie et d’administration, une galerie de Mannheim spécialisée dans l’art esquimau contemporain. Cette activité le conduit notamment au Canada, dans le cadre de la réalisation d’un livre autour des gravures de Lucassie Tookalook. Dans cette galerie, il fait la connaissance du Dr Hans Himmelheber, ethnologue et pionnier des arts premiers en Allemagne, par l’entremise duquel il rencontre Helmut Zake, dont il deviendra un proche. « C’est Zake, grand collectionneur et, à l’époque, responsable du groupe Friends of Africa Art à Heidelberg, qui m’a initié à l’art tribal, qui m’a transmis le virus, raconte celui qui va fréquenter assidûment les réunions bimestrielles de ce cercle de quelque 300 collectionneurs et participer à leurs côtés aux préparations d’expositions, de catalogues et autres travaux muséographiques.
Avec l’art tribal, il y a quelque chose de magique, d’exotique bien sûr, mais, surtout, une force, une présence que j’ai immédiatement ressentie face à certains objets, et que je n’avais jamais ressentie auparavant face à des œuvres d’art contemporaines. » Adrian Schlag ouvre une première galerie à Cologne en 1995 et, à partir de cette époque, collabore régulièrement avec le marchand et « aventurier » Philippe Guimiot, notamment dans pour des foires d’art, à Munich, Cologne ou Genève. Comme Guimiot, Schlag considère qu’« un bon marchand ne peut pas être lui-même un collectionneur », même s’il reconnaît avoir eu du mal à se séparer de certaines de ses pièces, comme cette maternité senoufo de près de 75 cm ou cette sculpture abstraite océanienne qui ont illustré, après leur passage entre ses mains, plusieurs catalogues et ouvrage de référence dans le domaine des arts premiers et du « primitivisme ».
Charge émotionnelle
« Ces objets ont une âme, comme peuvent avoir une âme un meuble qui a beaucoup servi ou une maison où des gens ont longuement vécu, insiste le marchand qui a pignon sur rue à Bruxelles depuis plus de vingt ans. Mais comme ce sont des objets religieux, des outils de rituels qui ont trait à la spiritualité, leur énergie est plus importante, la charge émotionnelle qu’ils dégagent est encore plus forte. » Et de conclure : « Le risque, dans mon métier, quand le goût s’est affiné au fil des années au contact de tels objets, c’est de se retrouver seul avec eux… »