Genève, 18 janvier 2019
Le Musée Barbier-Mueller à Genève consacre jusqu'au 26 mai 2019 une exposition spéciale à sa collection d’asen, des autels portatifs en métal provenant de l’ancien royaume du Danhomè, dans l’actuelle République du Bénin.
Les asen se distinguent par un plateau circulaire, orné sur son pourtour de pendentifs et animé de scènes figuratives rassemblant humains, animaux et plantes, dans de riches allusions aux défunts honorés et à l’histoire plus générale du sud du Bénin. Le plateau repose sur une tige, fichée dans le sol de l’asenxo (la case aux asen), où sont commémorés et évoqués les défunts de la famille lors des cérémonies annuelles. C’est devant l’asen que les vivants rencontrent les morts, leur parlent, les interrogent et leur offrent les sacrifices de propitiation.
Dans la tradition régionale, les asen étaient également étroitement associés aux rites de guérison, de protection et de divination, ainsi qu’à la transmission du savoir entre le monde des esprits et le monde terrestre – dans les temples vodun, entre autres contextes. À mesure que la cour du Danhomè étendit son pouvoir, du XVIIe au XIXe siècle, cette fonction fut progressivement délaissée au profit d’un usage plus commémoratif réservé à la famille royale. À la cour d’Abomey, capitale du royaume fon du Danhomè, chaque roi et sa kpojito (femme le personnifiant après son décès) avaient droit à leur propre asen. Les asen royaux étaient sortis au cours des « Coutumes annuelles ». Historiquement, ils étaient plantés en terre à l’extérieur des cases des ancêtres royaux, initialement recouverts d’un tissu. Une fois celui-ci retiré, l’asen recevait les libations et d’autres offrandes, dont de l’igname, du maïs et des haricots, faites par les dadassi (tantes paternelles), sur fond d’incantations ou de chants.
Avec la colonisation, la famille royale cesse d’avoir l’apanage des asen dont l’usage se généralise. Le fer, « travaillé avec une finesse qui laisse penser que le métal est aussi souple que du papier ou du tissu », comme le souligne Suzanne Preston Blier, professeure à Harvard, commissaire de l’exposition et auteure du catalogue qui l’accompagne, n’est plus le seul matériau privilégié dès le début du XXe siècle. Les artistes fon acquièrent en effet la maîtrise de la fonte à la cire perdue après 1906, leur permettant de façonner en série des figures en alliage cuivreux.
« Dans le vodun, les disparus font partie du monde des vivants. Afin d’honorer son parent décédé, la famille commande la réalisation d’un asen 12 à 18 mois après la mort. Il symbolise le destin, mais aussi l’esprit qui nous fait vivre. On organise alors une fête au cours de laquelle tous les descendants se réunissent. On compose une chanson à la gloire du défunt et on plante l’asen en bonne place », explique le Dr Blier, précisant que cette tradition vit encore aujourd’hui. Le Dr Blier s’appuie sur la finesse des détails et les caractéristiques figuratives de chaque asen pour identifier cinq artistes, auteurs des 65 asen rassemblés dans l’exposition et datant d’une période s’étendant du milieu du XIXe siècle aux années 1950.
INFORMATIONS PRATIQUES Asen : mémoires de fer forgé dans l’art vodoun du Danhomè
Musée Barbier-Mueller Rue Jean Calvin, 10. 1204 Genève / +41 22 312 02 70 / musee@barbier-mueller.ch Jusqu’ 26 mai 2019