Paris, 5 novembre 2019
Des pièces dignes de figurer dans un musée. Pour sa vente d’arts d’Afrique et d’Océanie du 14 novembre à Drouot, la maison Binoche et Giquello mise en effet sur des œuvres d’exception, notamment avec la dispersion de la collection Maurice Nicaud et des masques du Burkina Faso de la collection Thomas G. B. Wheelock.
Celle de la collection Nicaud d’abord, qui marque la fin de sa succession. Cette ultime vacation illustre l’épopée de ce collectionneur-marchand qui, à l’instar d’une Hélène Kamer, fut l’un des premiers à rapporter des objets traditionnels de Guinée au début des années 50, avant que le pays ne tombe tout entier sous le joug du président Sékou Touré au moment de l’indépendance du pays en 1958. « Ce qui a permis à Maurice Nicaud ou à Hélène Kamer de ramener de très beaux objets, c’était aussi cette situation politique, explique Patrick Caput, expert de la vente. Avant même d’être président, Sékou Touré avait déjà essayé de détruire les cultures animistes. Au même moment, un certain nombre de prédicateurs musulmans sont arrivés dans les villages de Guinée et ont martyrisé les populations, brûlés les objets. Dans ce climat d’insécurité religieuse, culturelle et traditionnelle, les anciens ont accepté plus facilement de céder des objets à ces collectionneurs de passage, car ils savaient qu’ils étaient voués à la destruction. »
De ses voyages, Maurice Nicaud rapporte un exceptionnel tambour Baga à cariatide (lot 24) sans doute de la fin du XIXe siècle et dont le bois à belle patine brun-rouge était anciennement polychrome. « Toutes les pièces de cette importance sont aujourd’hui dans des musées, affirme l’expert. L’une d’entre elles, qui est sans doute de la même main – c’est-à-dire du même artiste ou du même atelier – est conservée au British Museum. » Sorte de pendant de la sculpture du British Museum, le tambour A-Dnëf de la société de femmes de la collection Nicaud se compose d’une mère agenouillée présentant devant elle un personnage féminin, tandis que celle du musée londonien y avance une figure masculine. « Sans trop m’avancer, c’est sans doute le dernier tambour Baga de ce niveau qui soit encore entre des mains privées et qui arrive aujourd’hui sur le marché. »
Bien que des œuvres similaires aient atteint des records par le passé, à l’instar du tambour de la collection Boussard aujourd’hui conservé au Smithsonian de Washington, la rareté de ces objets et le manque de référence sur le marché expliquent son niveau d’estimation « raisonnable » d’après Patrick Caput, entre 150.000 et 200.000 €. Quoi qu’il en soit, nul doute pour la maison de vente que cette collection rentrera dans l’histoire au même titre que la collection Vérité.
Autre collection notable proposée à la vente : celle de Thomas G. B. Wheelock, fin connaisseur de l’art du Burkina Faso qui a constitué au cours de ses pérégrinations la plus importante collection d’œuvres burkinabées du monde. Ici, la maison Binoche et Giquello met en vente 14 de ses masques. « L’art du Burkina Faso est minorisé en France », insiste Patrick Caput. La raison ? Le marché propose surtout des objets récents, les cultes étant toujours très vivaces dans le pays. Dans ce paysage où la production est toujours abondante, les antiquités sont rares. « La première caractéristique des masques de la collection Wheelock est leur ancienneté. Ensuite, ils sont très particuliers d’un point de vue typologique. Enfin, nous avons obtenu de la succession des prix d’estimations bas de manière à promouvoir cet art des masques. »