Né d’une famille de peintres et de designers, le New-Yorkais Amyas Naegele découvre très jeune l’art tribal grâce – notamment – à Edward Merrin, le célèbre galeriste de la 5e avenue, par ailleurs père de son meilleur ami et voisin de la famille. Chez lui, il découvre les gravures de la côte américaine du nord-ouest ou la sculpture précolombienne.
« Comme je viens d’une longue lignée d’artistes, le vocabulaire visuel de ces œuvres soit-disant primitives m’a parlé très naturellement », explique-t-il. Collectionneurs, photographes, experts et restaurateurs y font des allers-venues permanentes. Un bon moyen pour le jeune homme de comprendre les rouages de la profession.
Mais c’est à l’âge de 22 ans qu’il découvre in situ la sculpture ethnographique lors de ses premiers périples en Papouasie-Nouvelle-Guinée et en Asie du Sud-Est. « C’est là que j’ai commencé à m’émerveiller du lien qui uni la culture matérielle et l’environnement dans lequel elle s’épanouit. »
Billet en poche, il multiplie les escales : Asie, Nouvelle-Zélande (pays de sa grand-mère maternelle), Australie. Là-bas, un cousin l’enjoint de se rendre en Nouvelle-Guinée qui venait tout juste de conquérir son indépendance et était encore relativement épargnée par le tourisme. Une révélation. Il se souvient : « Je voyageais déjà depuis neuf mois et j’étais devenu un explorateur de brousse expérimenté lorsque je suis arrivé à Port Moresby par un soir brumeux, dans l’odeur des fumées de bois brûlé. Le lendemain matin, je me suis promené sur le marché où des femmes à demi-vêtues et au visage tatoué vendaient des poissons de récif à la criée. En regardant vers l’intérieur des terres, des montagnes bleues de taille démesurée se détachaient à l’horizon, tourmentées par des nuages. »
Bille en tête, il décide d’explorer le centre de l’île à pied avec un Australien « aussi naïf que moi » rencontré sur place. Ce trek improbable qui l’emmène du sommet du mont Albert Edward au fin fond des forêts primaires renforce son goût de l’exploration. Himalaya, Inde, Amérique du Sud puis l’Afrique. De Tunis au Cap, il découvre la vie quotidienne des villages de brousse et la culture rurale des zones reculées.
« En vérité, je préfère travailler de mes mains que d’être un commerçant.»
Les années passant, l’idée de créer un espace à lui s’impose. Implantée à New York, Amyas Naegele Fine Art Bases est une galerie privée atypique articulée entre un espace de monstration et un atelier de restauration et de création de supports. « L’immobilier à New York est incroyablement cher. De plus en plus, les marchands d’art tribal de la ville travaillent majoritairement de chez eux », constate-t-il.
« Virtuellement parlant, toutes les œuvres d’art ethnique traditionnel sont altérées lorsqu’elles arrivent sur le marché.»
Un pan important de son activité est aujourd’hui dédié à la restauration et à la conservation préventive des œuvres, en particulier avec la fabrication sur-mesure de supports et de socles. « En vérité, je préfère travailler de mes mains que d’être un commerçant. Par conséquent, j’ai toujours passé plus de temps à fabriquer des socles plutôt que de promouvoir mes ventes », confie-t-il.
Spécifique, la restauration d’objets d’art tribaux doit répondre à des exigences particulières. « Virtuellement parlant, toutes les œuvres d’art ethnique traditionnel sont altérées lorsqu’elles arrivent sur le marché. Parce que les œuvres authentiques ne sont pas faites pour notre consommation mais bien pour leur utilisation, elles ne relèvent pas du prêt-à-porter », explique-t-il, donnant l’exemple des masques débarrassés de leurs éléments de costume pour devenir des sculptures ornant nos salons.
Ravi de pouvoir proposer à l’occasion des objets amérindiens, océaniques, himalayens ou encore précolombiens, il préfère néanmoins concentrer ses recherches sur l’art traditionnel africain, celui qu’il connaît « le mieux » et qu’il peut proposer « en toute confiance » à ses clients. Constatant que le marché de l’art contemporain s’intéresse de près aux artistes africains et que ces derniers s’interrogent souvent sur leur héritage culturel, Amyas Naegele leur ouvre désormais son inventaire pour qu’ils puissent venir y puiser l’inspiration. La boucle est bouclée.